Ma Beauté

Je ne voulais pas d’enfant.

Je trouvais que ça rendait con.

Je devais cet avis très tranché aux différentes réflexions de jeunes parents aux moutards insupportables qui faisaient de chaque rencontre un moment éprouvant nerveusement: “tu verras quand tu seras maman, tu deviendras TREEES patiente”me disaient-ils en s’émerveillant de leurs chieuses progénitures qui prenaient les étagères familiales pour un parcours d’accrobranche. “Tu comprendras quand tu seras maman.” Je devais aussi cet avis tranché à l’une de mes premières collègues, dont le cucul n’avait d’égal que l’intolérable bêtise, à un point tel que même sa gamine de 3 ans lui raccrochait au nez lors de certains des appels matinaux quotidiens, “pour faire le point” 2 heures après l’avoir lâchée à la belle-mère. Rien ne nous était épargné. Tous les matins, on avait le détail des couches au café et un résumé des Télétubbies plus long que l’épisode lui-même.

Néanmoins, je trouvais les couples vieillissant sans enfant, tristes. Alors, je me suis laissée persuadée par mon mari, qui ne voulait pas laisser filer un “pool génétique” si vertueux…confiant qu’il était dans le fait que nous ne changerions pas.

Nonobstant cette sombre histoire de pool (ou poule, – je ne sais trop), je tombai donc enceinte. Ma grossesse, pourtant sans problème majeur, ne m’a pas enchantée, loin de là: prenez un catalogue des bobos pénibles de grossesse mois par mois, je les ai tous eus. Et puis, le truc qui prenait mon ventre pour un trampoline n’était pas très concret. L’accouchement fut cauchemardesque: une hémorragie sévère de la délivrance couplée à une non-réponse au traitement. “En d’autres temps ou d’autres lieux, vous ne seriez plus là” me dit mon gynécologue, en vacances pendant mon accouchement. “Vous, un ça suffit, le deuxième, ce sera en tout cas, sans moi” me lança nerveusement l’obstétricien de service qui s’était occupé de moi.

Malgré tout cela, il y eut un instant … pour une éternité. Cet instant où la sage-femme me déposa un roti de 4 kgs, au nez en forme de fraise, avec un bonnet dissimulant un crâne allongé par une sortie au forceps…, cet instant où je découvris une nouvelle forme d’amour: l’amour absolu, définitif. Celui qui vous ferait tuer la personne qui oserait lui faire du mal, celui qui vous fera déplacer des montagnes pour son bien-être. Il était calme, digne fils de son père, quasi endormi, bien loin des nouveaux-nés hurleurs. Je sus que je l’aimerai toute ma vie, quoi qu’il fasse, même s’il ne serait que ce que j’en ferais et qu’il me revenait de l’éduquer pour qu’il évite les trop grosses bêtises. J’avais été marquée pendant mon année de première littéraire par un trimestre entier à étudier les auteurs classiques et modernes d’essais sur l’éducation. J’avais trouvé l’éducation d’un enfant si délicate, une géhenne même. L’occasion d’une sempiternelle remise en question, même si j’avais intégré rapidement que je ne serais jamais parfaite.

J’ai aimé, aime et aimerai chaque période de sa vie. Je veux qu’il ne manque de rien tout en conservant l’envie, le désir. J’essaie de lui inculquer la curiosité intellectuelle, sans l’ingérence, l’ouverture d’esprit sans l’excès, la justice sans la condescendance et la droiture sans l’outrecuidance. Quelquefois, je m’en veux d’avoir réagi trop vivement à une bêtise, somme toute relative. Je m’en fais tellement pour lui, pour son avenir. Mes propres angoisses me trahissent, peut-être aussi parce qu’il est le reflet de certains de mes travers mal assumés. Je lui avoue; il me pardonne; il est si gentil. Lui aussi m’aime, ça me fait drôle. Je n’ai rien fait de spécial pour le mériter pourtant.

Je me montre aussi dans mes faiblesses ou mes doutes; pour que mes imperfections le mettent en confiance. Il va arriver à un âge où il doutera lui aussi, se sentira en insécurité, il remettra en question. Il voudra braver les interdits et l’inconnu. Il aura besoin de quelqu’un. Je veux être là. Je serai discrète, il ne me dira, me demandera que ce qu’il considèrera nécessaire. La confiance, c’est l’absence de tabou, dans ses doutes et dans ses questions à poser, dans les solutions à trouver. Peut-être ne me dira-t-il rien. C’est un homme après tout. Peut-être même souhaitera-t-il mon absence. Il me saura pas loin, disponible. C’est important.

De ma maternité , je n’ai gagné aucune patience. Des fois, il m’énerve … mais il m’énerve. Je n’ai pas plus compris la soit-disant inévitable acceptation de se faire pourrir la vie par des gnomes.

Je l’aime juste éperdument. Il deviendra lui, quoi que je fasse. Puisse-t-il par dessus tout ne retenir, de mes balourds efforts, que d’être heureux.

Image à la une: (Ma Beauté- © La Chouette et le Poisson-lune)

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Publié dans un peu de moi
1 comments on “Ma Beauté
  1. Di Lenarda dit :

    J’avoue que parfois, il me faudrait un dictionnaire pour te suivre ma belle, mais que c’est beau et vrai l’amour inconditionnel, celui d’une mère-enfant, celui qui n’a pas de prix et que rien ni personne ne pourra changer..bisous!Myriam

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